Iselia

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De toute sa vie, Iselia ne s’était jamais retrouvée autant entourée par de puissants mages. Bien sûr, elle connaissait déjà Masilda puisqu’elles avaient étudié ensemble durant leur passage à l’académie. Cependant, elle ne pouvait pas dire qu’elle la connaissait bien, ni même qu’elle s’entendait bien avec elle. Masilda voulait sans cesse être la première dans n’importe quel domaine. Elle s’était toujours moquée de paraître hautaine ou de rester seule à partir du moment où elle parvenait à devenir la meilleure. Et considérant son poste actuel, on pourrait dire qu’elle a réussi, tout comme Zèfir. Elle ne connaissait pas personnellement le demi-elfe, mais comme beaucoup de mages, elle avait déjà entendu parler de lui, principalement car les êtres de sang-mêlé comme lui n’étaient pas répandus dans l’empire, les elfes préférant s’éloigner des affaires humaines. Mais surtout, Zèfir en dépit de sa jeunesse avait réussi à devenir l’un des mages les plus importants, ce qui en disait long sur ses capacités. Et enfin, Voxana... Iselia mentirait si elle disait se sentir pleinement à l’aise face à l’unique survivante de la Triade. Le regard glacial que cette dernière portait sur elle lui donnait des frissons. Avant les évènements de l’académie, elle ne l’avait jamais rencontré. Et très franchement, elle se saurait bien passée d’une telle occasion. Le silence lourd qui flottait dans la pièce n’aidait pas Iselia à se sentir à l’aise, mais elle remercia son don naturel pour cacher ses émotions.

— Pavus a donc accepté ta demande en bonne et due forme, commença Masilda. Bon retour dans les chevaliers, Iselia.
— Elle nous a dit qu’Eyron allait être très déçu, compléta Zèfir.
— L’académie va me manquer, avoua Iselia. Surtout mes élèves.
— Il est trop tard pour vos regrets, lâcha Voxana. On a besoin de vous maintenant.
— Je ne vais pas vous abandonner, rétorqua Iselia. Mais je dois admettre que je suis un peu perdue par la situation.
— Je t’avais dit de rester en dehors de ça, soupira Masilda. Mais maintenant que tu es là, et que Pavus a accepté… 

Masilda jeta un regard aux autres mages, puis reporta son attention sur Iselia, avec beaucoup de sérieux.

— Iselia, je sais qu’on peut te faire confiance, mais je me dois de te dire que tout ceci est important, plus que tu ne l’imagines. 

Évidemment qu’elle s’en doutait. Elle enseignait depuis longtemps dans l’académie et jamais elle n’avait connu de tels évènements. Elle ignorait ce qui se tramait, mais elle savait qu’elle ne devait pas prendre la situation à la légère. Elle resta silencieuse, et attendit la suite des explications.

— La plupart des attaques visaient Anasteria, expliqua Masilda. Mais je pense que tu t’en doutais déjà.
— Oui, j’ai entendu Vari. Il parlait à quelqu’un, une fille. Et elle a dit qu’Anasteria était une héritière… Est-ce que ça veut dire… ?
— Non, intervint Voxana. Elle n’a rien à voir avec la famille Trivaly. Ce n’est pas ce genre d’héritière. Disons simplement qu’elle possède un certain pouvoir, le reste ne vous concerne pas.

Iselia fronça les sourcils en observant la puissante mage. Malgré le respect qu’elle avait pour elle, elle n’aimait clairement pas le ton utilisé.

— J’ai le droit de savoir, répliqua-t-elle. Je vais risquer ma vie.
— Personne ne te l’a demandé, intervint Masilda. Tu dois comprendre qu’on fait ça pour la protéger. Son pouvoir est grand, mais Zèfir parviendra à lui enseigner son savoir pour l’aider à le canaliser. Tout ce qu’on te demande, c’est de veiller sur elle, et sur ses amis. 
— Ne les surprotéger pas non plus, rajouta Voxana. On veut qu’ils deviennent mages. Ils doivent apprendre à quoi ressemble leur future vie.
— Iselia, reprit Masilda, je vais être honnête avec toi… Ça ne sera pas une partie de plaisir. Vari se trouve toujours quelque part, et il risque de nous poser problème, sans parler de la fille que tu as entendue. C’était celle qui avait attaqué Anasteria de l’autre côté. Son pouvoir demeure tout aussi grand que celui d’Anasteria, mais elle le maitrise. 

Repenser à la trahison de Vari serra un peu plus le cœur d’Iselia. Elle ne l’aurait jamais pensé capable d’une telle chose, mais elle devait se résigner. Elle s’était lourdement trompée à son sujet, et maintenant, Vari était un danger. La prochaine fois, elle n’hésiterait pas, et aucun doute ne subsistait dans son cœur. Elle hocha lentement la tête. Peu importe ce qu’était Anasteria, et ce qu’elle amenait comme problèmes, elle les trancherait aussi facilement que les ombres qu’elle avait occises en tant que chevalière. Même si elle ne détenait pas toutes les informations, elle se doutait que Masilda ne mettrait pas tout ceci en œuvre pour une simple aspirante. Ses responsabilités allaient peser lourd sur ses épaules, mais elle se sentait prête, plus que jamais.
— Je ne vous laisserais pas tomber, affirma-t-elle. Si Vari se montre de nouveau, je l’arrêterais.

L’expression de Masilda s’adoucit soudainement. Pourtant, Iselia n’avait aucun doute dans son cœur. Peu importe leur relation passée, elle ne se laisserait pas faire face à lui. La magistère poussa un bref soupir.

— Je me dois de te dire : ce chemin-là risque de te conduire vers des moments bien plus sombres que tes missions avec Vari. Ceux qui désirent s’en prendre à Anasteria ne connaissent aucune limite. 

Iselia avala une boule d’angoisse qui se formait dans sa gorge. Ces missions hantaient encore ses nuits, et elle ne voulait pas imaginer des horreurs bien pires. Au prix d’un lourd effort, elle resta stoïque, et acquiesça. Le regard de Masilda se planta dans le sien.

— Protège-les au péril de ta vie, Iselia. Éduque-les pour en faire les meilleurs chevaliers-mages que tu aies un jour formés. Apprends-leur la dure réalité de notre monde, et assure-toi qu’ils possèdent les épaules assez larges pour endosser les responsabilités que le Collège voudra leur donner d’ici quelques années. Car il ne fait nul doute que tous les trois auront bientôt un rôle à jouer pour notre grande nation.

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